Par Johanne Boivin, Conseillère experte, Point Cardinal.
Je comprends l’univers de l’entrepreneuriat pour avoir eu mon entreprise pendant 25 ans et je sais à quel point il faut s’y donner entièrement et que c’est exigeant.
Toutefois, trop souvent, surtout dans la période de démarrage, on remet à demain la protection intellectuelle de sa marque de commerce.
Pris dans les opérations quotidiennes ou bien encore contraints d’une limitation financière, plusieurs entrepreneurs rebroussent chemin lorsqu’il s’agit de protéger leurs marques. Pourtant, ils investissent dans le branding et traversent les diverses étapes de commercialisation.
Je suis toujours abasourdie de constater, comme coach, mentor ou conseillère experte chez Point Cardinal, qu’après même plusieurs années en affaires, certains entrepreneurs n’ont pas enregistré leurs marques malgré le fait qu’ils pressent le pas pour réduire le time to market.
Je ne suis pas une avocate travaillant pour un cabinet spécialisé en brevet et propriété intellectuelle mais une femme d’affaires qui veut partager son expérience et qui se félicite d’avoir enregistré ses trois marques de commerce dès leur création. Ceci m’a permis de me défendre quand on a copié de façon intégrale mes produits. Oui, vous avez bien lu ! Et tout ceci s’est produit après avoir été plus de 19 ans sur le marché avec une distribution pancanadienne et à l’étranger. On parle ici de plusieurs centaines de milliers d’items vendus annuellement sous cette marque.
Je me rappellerai toujours mon désarroi et mon découragement lorsque j’ai constaté qu’une multinationale américaine, ayant un chiffre d’affaires de plus de 500 milliards de dollars US annuellement, venait de mettre sur ses tablettes une copie identique de mes produits, pour une fraction du prix, et que la seule différence résidait dans la qualité inférieure des matériaux utilisés. Pourtant, à l’œil nu, ces matériaux semblaient être les mêmes et trompaient les consommateurs.
Que faire ? Et au nom de quel droit pouvaient-ils, parce qu’ils étaient gigantesques, faire la pluie et le beau temps et écraser une PME, profiter de ses investissements en recherche et développement et tromper le consommateur qui, lui, croyait acheter la marque reconnue qui avait su établir sa notoriété pendant près de 20 ans ?
A l’unanimité autour de moi, on me conseillait de ne pas m’attaquer à ce géant et que le risque était trop grand pour mon entreprise. Pourtant à mes yeux, l’idée de cette confusion de marché et de cette perte potentielle importante de chiffre d’affaires m’a poussée à me tourner vers des professionnels en propriété intellectuelle afin de connaître mes droits.
Je fus alors entourée de gens compétents qui m’ont expliqué que l’enregistrement de ma marque, et le fait de l’avoir maintenue à jour durant toutes ces années, constituaient un bouclier et que des procédures en usurpation de marque ou en concurrence déloyale pouvaient être entamées.
Nous nous sommes donc tournés vers le tribunal. Le juge, en voyant ces deux produits qui semblaient quasi identiques, a tout de suite émis une injonction provisoire afin que la partie adverse retire immédiatement tous les produits de ses tablettes, dans l’attente d’un procès.
Je vous éviterai tous les détails mais je peux vous dire que s’attaquer à Goliath et son armée de procureurs qui, sans pitié ne veulent que vous anéantir, requiert de l’aplomb. Mais somme toute, David et ses avocats ont su tirer leur épingle du jeu et démontrer, après plusieurs mois de travail, la preuve de contrefaçon et ainsi obtenir un règlement favorable lors du procès.
Quel soulagement ! Ma compagnie a pu regagner son marché et surtout préserver sa marque pendant plusieurs années, sans affecter sa valeur de vente, une fois le temps venu.
L’enregistrement de ma marque aura donc été la meilleure façon de la protéger. Pensez-y ! Vous travaillez fort pour percer votre marché et investissez dans l’innovation pour vous différencier et à n’importe quel moment on peut tout vous prendre et s’approprier votre travail !
Vu le caractère public du registre des marques de commerce, l’enregistrement est un bon moyen de publiciser vos droits et d’avertir les tiers que la marque est déjà prise.
Voilà, en quelques mots, mon expérience que je vous partage. Prévoyez des fonds pour la propriété intellectuelle de votre marque, c’est une dépense qui est indispensable. Vous donnerez ainsi un signal clair à vos compétiteurs que vous protégez votre marque afin d’éviter qu’elle ne devienne celle de quelqu’un d’autre !